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Le jour d’après : Comment continuer après un choc pareil ?

Dernière mise à jour : 18 avr.

Le jour d’après : Comment continuer après un choc pareil ?

Le jour d’après

Je ne sais pas exactement à quel moment j’ai compris. Peut-être parce que je refusais de comprendre. Quand elle m’a dit qu’elle avait pris des médicaments, j’ai souri nerveusement, presque en colère. Non, ce n’est pas vrai. Non, tu n’as pas fait ça. Ce n’est pas possible. J’ai demandé combien, j’ai cherché à rationaliser, à mesurer l’ampleur du geste, comme si le nombre pouvait me dire si c’était grave ou pas. Comme si ça pouvait me donner un repère, une échappatoire.

Sur le moment, j’ai ressenti ça comme une gifle. Une injustice. Je venais de lui retirer sa carte SIM pour une histoire de voiture, de lui dire qu’elle devrait se débrouiller pour s’en payer une autre. Elle avait de l'argent. Je voulais lui apprendre la valeur des choses, lui montrer que je n’étais pas une ressource infinie à consommer sans un regard en arrière. Je voulais qu’elle comprenne, qu’elle réalise que mes efforts avaient un prix, que l’amour ne signifiait pas tout donner sans retour. Et puis voilà. Voilà.

J’ai paniqué. Je lui ai dit d’essayer de vomir, de se forcer. Les secours ont répondu mais le transfert d'appel n'avançait pas, alors j’ai pris les choses en main. Mets tes chaussures. Je l’ai mise dans la voiture et j’ai roulé. Très vite. Trop vite. 140 km/h sur des routes limitées à 70. Les fenêtres ouvertes, la lumière allumée dans l’habitacle, lui parlant sans cesse pour qu’elle ne s’endorme pas. Ne dors pas, reste éveillée, je lui disais. C’était un combat contre le temps. Je comptais mentalement les minutes écoulées depuis qu’elle avait avalé ces comprimés, pour pouvoir donner une information précise aux médecins. Je rappelais le SAMU, autre interlocuteur, en expliquant qu'au bout de 15 minutes l'appel n'avait pas abouti et qu'au bout de 8, j'étais dans la voiture avec elle. J’étais en mode pilote automatique.

Ensuite, tout est allé très vite. Les urgences, les médecins, l’angoisse.

Quand nous sommes arrivées aux urgences, j’ai été frappée par le détachement du personnel. Pas de panique, pas d’urgence apparente. Ils m’ont dit d’attendre le médecin. J’ai dû insister : Vous ne lui donnez rien ? Elle ne peut pas vomir ? Ils m’ont dit d’attendre. Elle s’accrochait à mon bras, rieuse, presque absente. Elle me demandait si j’étais fâchée. Oui, j’étais en colère. Et paniquée. J’avais l’impression qu’elle voulait me faire mal alors que j’étais déjà brisée depuis des mois.

Il y a eu le défilé des infirmiers, des médecins, des questions auxquelles je n’avais pas de réponse. Puis, cette remarque entre deux portes:"Ce n’est pas votre faute. Vous n’êtes pas coupable de son geste. Vous n’êtes pas une mauvaise mère." Mais si. Si, je le suis. Oui, je me sentais coupable. C’est moi qui avais échoué à comprendre, à déceler la douleur cachée derrière son agressivité, sa tristesse silencieuse depuis des semaines. Je suis triste depuis des mois. Je me bats pour tenir debout. Je suis souvent en colère. Rien ne va comme je voudrais. Je ne suis pas la mère que j’avais rêvé d’être. Et je ne suis pas non plus la femme que j’aimerais être en ce moment.


Je l’ai regardée dormir, perfusée, dans ce lit d’hôpital. J’étais là, mais j’étais aussi complètement perdue, vide. Dehors, tout tournait, tout était devenu flou. Les chiens, les messages, les horaires, l’angoisse constante, et moi qui n’arrivais plus à me relever de ce choc. Et pourtant, je savais qu’il fallait que je me tienne prête, qu’il fallait que je sois là.

Mais comment ? Comment être là quand soi-même, on est brisée ?

Le lendemain, nous avons parlé avec un psychiatre. Il nous connaissait déjà. Il a répété plusieurs fois : "À son âge, les amis, c’est important." J’avais l’impression d’être jugée, d’avoir à me défendre. Mais j’étais préparée. Cette situation, ce n’était pas la première fois que je la vivais avec elle. J’ai expliqué que je ne lui avais jamais interdit de voir ses amis. Que je voulais seulement qu’elle apprenne à respecter ce qu’on lui donnait. Qu’elle comprenne qu’il y a des limites, des règles. Que l’amour ne signifie pas tout accepter sans broncher. Que c'était juste une leçon.

Et alors, elle a parlé. Elle a dit qu’elle pensait à ça depuis des semaines. Que ce n’était pas une punition de ma part qui l’avait poussée à le faire. Qu’elle ne voyait plus d’espoir.

Je lui ai répondu que ma colère était passagère. Que tout passe. Que rien n’est figé, surtout pas une dispute entre une mère et sa fille. Et là, elle m’a confié qu’elle était reconnaissante de ce qu’elle avait, qu’elle montrait notre jardin à ses amis, qu’elle aimait ce que nous avions construit. Mais elle ne me l’avait jamais dit. Elle pensait que je le savais.

Ce qui nous avait menées là, c’était un manque de mots.

Sur place, elle m'a demandé d'écrire à son père. Qui est aux abonnés absents depuis 3 ans au moins, sans un appel, pour Noël, son anniversaire ou quoi que ce soit. Pour dire, je n'y avais même pas pensé. Il a répondu à mon message. Mais la réponse qu'il lui a faite plus tard était à la hauteur du personnage. J’ai décidé de ne pas aller plus loin dans cet article.


Nous nous sommes arrêtées sur la route du retour. Et je lui ai fait promettre de ne jamais recommencer.

Je lui ai dit que si, un jour, elle se sentait encore comme ça, elle n’avait pas besoin d’expliquer. Car elle ne voulait pas m'en parler. Qu’elle pouvait simplement venir et demander un câlin. Sans un mot. Sans question. Et que je serais là.

Nous avons pris rendez-vous avec le psychiatre pour remettre en place un traitement. Elle a promis. Et nous avons fait un long câlin.

Les chiens avaient tenu toute la nuit et jusqu'à 13h le lendemain, aucune bêtise, aucune porte brisée (par les pompiers, oui ils sont venus, le suivi de mes appels a été déplorable). Une amie est venue. Et quelqu'un est passé pour promener les chiens pendant deux heures.


Nous avons réintégré notre maison avec un mélange de vide et de soulagement.

Depuis, j’essaie. Je me lève pour elle. Pour lui faire un bisou avant qu’elle parte. Pour m’assurer qu’elle prend bien ses médicaments. Je ne sais pas encore comment me reconstruire, mais je sais que je dois le faire.

J’ai annulé toutes les sanctions. Pas par peur. Mais parce que j’ai compris. Parce que, derrière nos disputes, ce n’était pas une adolescente ingrate et une mère fatiguée. C’était deux êtres qui s’aiment, mais qui n’arrivent plus à se dire les choses.

Le jour d’après, c’est ça.

Ce n’est pas un miracle, ce n’est pas une lumière soudaine. C’est avancer, un pas après l’autre, même quand on ne sait pas où aller.

C’est apprendre à parler, à écouter.

C'est se lever la nuit au moindre bruit.

C'est lui demander ce qu'elle fait quand elle va à la cuisine.

C’est essayer d’être là, même quand on est épuisée.

C’est regarder l’autre et se rappeler pourquoi on veut continuer.

C’est comprendre qu’on n’aura jamais toutes les réponses, mais qu’on peut toujours essayer.

Et c’est se dire, malgré tout, que le jour d’après peut être un peu plus doux que la veille.

Aujourd’hui, je n’arrive pas encore à la laisser seule à la maison. C’est une étape que je n’ai pas encore franchie, mais que j’imagine déjà. La prochaine étape sera de lui donner plus de liberté, de confiance, tout en sachant que je dois aussi me donner à moi-même cette même confiance pour avancer. Le mot suicide, je ne peux pas le prononcer. Je l'ai entendu mais je ne peux pas.

C’est un chemin, difficile, semé d’embûches, mais un chemin quand même. C’est ça, la vie après le choc : il faut avancer, même quand tout semble brisé. Et elle est retournée en cours. Et elle me donne de la force au travers de SA FORCE.


Il y a des parents qui, comme moi, vivent ces moments où tout se suspend. Ces instants où la vie bascule, où l’on se sent désemparé face à la souffrance de ceux qu’on aime.

Si vous vivez cette situation, sachez que vous n’êtes pas seul(e). Il existe des ressources et des soutiens. Des professionnels comme des psychologues ou psychiatres sont là pour vous aider à comprendre ce qui se passe, à trouver des solutions. Les associations d’aide aux parents et aux familles peuvent aussi vous apporter du réconfort. Ne restez pas seul(e).

Si vous avez besoin de parler, il y a des lignes d’écoute disponibles à tout moment.

Les enfants, comme les adultes, peuvent souffrir en silence. La communication et la patience sont des clés. Nous devons trouver des moyens de dialoguer, d’écouter sans juger, de comprendre sans imposer. C’est difficile, mais il est possible de traverser ces épreuves avec plus de force que l’on ne le pense.

Et je suis également disponible, vous pouvez me contacter ici pour discuter et partager.


Selene

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