Toutes les fois où je suis morte… et celle où je suis née
- Selene De Beaumont
- 12 août
- 3 min de lecture
Toutes les fois où je suis morte… et celle où je suis née

Depuis que tu es parti, je suis morte déjà plusieurs fois.
Loin de moi l'idée d'être dramatique, mais plusieurs morceaux de moi sont morts.
Celui qui croyait que l'amour pouvait suffire à guérir, à pardonner, à reconstruire.
J’ai compris que je ne pouvais pas seule, il faut être deux.
Celui qui avait une confiance aveugle en toi, qui pensait que tu m'aimais profondément et que tu ne pouvais pas imaginer ta vie sans moi.
J’ai compris que tu pouvais vivre sans moi et chasser notre histoire en un instant.
Ce visage-là, c'est celui que j’ai beaucoup de mal à écrire, il me tord encore le ventre.
Certains de ces visages sont morts, et j’en suis pleinement heureuse.
Il y a celui qui pensait qu'il fallait continuer à jouer un rôle pour te plaire, à tenir une posture, des exigences particulières.
Je me suis perdue.
Il y a celui qui pensait qu'il n'était pas assez pour être aimé entièrement au naturel et qu'il devait sans cesse travailler à son image pour être admiré avec les codes erronés que je pensais être les tiens.
J’ai été contre ma nature par peur que tu m’abandonnes. Et j’en paie chaque jour le souvenir.
Et la mort que je crains le plus, c'est celle que je vais m'infliger par ton entremise silencieuse, un jour.
Je crains ce matin où je vais mourir parce que je vais toucher quelqu'un d'autre, parce que je vais considérer qu’il me faut vivre pleinement pour ne pas m’éteindre…
Et surtout, ce jour où je vais mourir parce que je vais accepter que quelqu'un d'autre me touche.
Accepter que quelqu’un prenne la place que j’ai tout fait pour te garder.
Et la pire mort, je crois, ce sera quand je laisserai quelqu'un m'embrasser.
Parce que pour le moment, je ne me vois pas embrasser qui que ce soit.
C’est comme si je m’étais suspendue à nous, comme si je voulais rester pure et fidèle à mes sentiments, comme si je ne voulais pas être salie par quelqu’un d’autre — quelqu’un que je n’ai jamais souhaité désirer.
Et je repousse cette mort le plus loin possible de toutes mes forces.Mon rêve est ailleurs.
Mon rêve ne ressemble pas au passé.
Il en porte des marques, des caresses, un nom, mais il est neuf et inconnu.
Il est à inventer à deux, avec deux étrangers qui se connaissent si bien.
Il y a peut-être encore plus grave.
Ce qui me maintient émotionnellement, c'est cette idée que tu restes en lien avec moi malgré tout, depuis là où tu es, par la pensée, par une surveillance anonyme.
Et je vais mourir de cette idée, quand je vais accepter que c'est quelque chose que j'ai inventé pour tenir. Pour attendre le plus possible pour toi, en me disant que ce n'est pas possible, que nous étions deux et que tu sais, au fond de toi, la saveur inégalée de ce que l'on a partagé.
Je crois qu’il s’agira de ma dernière mort si tu restes au chaud dans ce monde qui ne parle plus de moi.
Et pourtant…Au milieu de toutes ces morts, je suis aussi née.
Née à moi-même.
Plus vraie que je ne l’ai jamais été.
Plus alignée avec moi que je ne l’ai jamais été.
Je me suis découverte : une part de moi tellement douce, tellement lumineuse, tellement aimante, que j’ai terriblement envie de la partager.
Alors je dépose des brins d’amour partout où je le peux, puisque tes bras restent fermés.
Pour ça, je te dis merci.Merci, parce que j’ai atteint une authenticité que je n’avais jamais réussi à atteindre.
J’aurais tellement aimé que tu en profites.
J’aurais tellement aimé t’aimer.
Je suis plus en accord avec moi, avec les autres, avec la nature, avec mon chez-moi.
Je ne me suis jamais sentie autant ancrée.
Tu m’as permis de prendre des décisions, de voir que certaines choses que je vivais ne me rendaient plus heureuse.
Non, ce n’est pas toi qui m’as ouvert les yeux directement.
C’est en lien avec ton absence.
Au milieu du vide, j’ai pu voir ce à quoi j’avais envie de me raccrocher et ce que j’avais besoin de quitter dans ma vie.
Tu vois, c’est drôle, tu n’étais pas dans la liste : je ne pouvais me raccrocher à toi, et je ne peux pas t’oublier.
Alors oui… tu m’as révélée.
Dans les larmes, dans le feu et dans toutes les choses que j’aurais pu encore vivre et que l’on n’a pas encore inventées.
Selene
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