top of page

Le feu que je contiens

Dernière mise à jour : 18 avr.


Le feu que je contiens
Le feu que je contiens

Charles Baudelaire – Chanson d’après-midi


Sur ta chair le parfum rôde

Comme autour d’un encensoir ;

Tu charmes comme le soir,

Nymphe ténébreuse et chaude.

Ah ! les philtres les plus forts

Ne valent pas ta paresse,

Et tu connais la caresse

Qui fait revivre les morts !

Tes hanches sont amoureuses

De ton dos et de tes seins,

Et tu ravis les coussins

Par tes poses langoureuses.


Le feu que je contiens


Il fut un temps où je savais dissocier. Mon corps pouvait jouer sans y mettre l’âme, ma peau se donnait sans que mon cœur ne suive. Je me suis parfois vengée ainsi. De l’absence, du silence, du mépris voilé. J’ai parfois brûlé pour oublier que j’avais froid.

Mais aujourd’hui, je ne peux plus. Cela fait huit mois que je me contiens. Pas par vertu. Pas par peur. Mais parce que je sens. Je sens que mon corps n’a plus envie d’être touché à moitié. Je ne peux plus m’alléger sans sens. Je ne peux plus m’offrir sans me trahir.


Et pourtant... Le désir est là. Immense. Inscrit dans chaque battement, chaque tension, chaque rêve. Il me traverse la nuit, me réveille parfois. Il pulse sans relâche.

Et il n’a pas d’exutoire.

Je pourrais, oui. J’ai ce qu’il faut. J’ai les objets, les fantasmes, les souvenirs, les possibilités à portée de mains et de voix. Mais parfois, même atteindre le plaisir me fait pleurer.

Parce que ce n’est pas lui. Parce que ce n’est pas un souffle contre ma peau. Pas une voix qui me murmure : "Je suis à toi". Parce que ce sont des images mentales, des éclats de ce qu’on a été, et que l’aboutissement du désir devient une douleur qui me rappelle ce que je ne peux plus toucher.

Parce que je ne suis pas en manque d’un simple contact. Je suis en manque de celui qui saurait entendre mon souffle au moment précis où il change, de celui qui saurait lire mon corps sans le brusquer, de celui avec qui même le silence devient caresse.

Et même mon feu — ce feu que j’ai appris à contenir, à ritualiser — n’a plus de place où s’exprimer sans violence contre moi-même. Parce qu’il n’a plus envie de bruit.

Il veut l’écho d’une présence.

Et cette frustration-là, elle n’est pas juste sexuelle. C’est une frustration de fusion et de reconnaissance physique de l’amour. Cela dépasse la simple question de la peau contre la peau.

Je suis prête à recevoir…mais pas à dissocier. Et mon corps le sait mieux que moi.

C’est pour ça qu’il résiste, même à mes jouets, même à mes fantasmes.

Il dit : “Je veux ce qui est vrai.”

Je ris, parfois. Je dis que celui qui viendra, celui à qui je saurai m’adresser, celui qui saura voir ce feu que je contiens… il repartira de mes griffes en boitant. Parce que je lui aurai tout donné. Tout. Et qu’aucune miette ne sera laissée. Et que j'aurais tout pris aussi, tout ce que son corps pourra me donner.

Mais je pleure, aussi. Je pleure ma loyauté. Cette fidélité sans contrat, ce vœu silencieux que je n’ai pas su rompre. Je pleure de me sentir à ce point liée à une absence.

Et pourtant, je ne regrette rien.

Car ce feu que je contiens est le plus sacré de mes secrets. Il ne brûle plus par besoin.

Il brûle désormais par vérité.

Et je n’attendrai pas toujours. Mais je ne me trahirai pas non plus.


Et toi... As-tu déjà été fidèle à une absence ?

Raconte-moi ici ou ailleurs.


Selene


Comments


bottom of page