La colère dans le deuil amoureux : une alliée méconnue
- Selene De Beaumont
- 14 avr.
- 6 min de lecture
La colère dans le deuil amoureux : une alliée méconnue
"La colère dit ce que la douleur tait."
— Anonyme

Il existe une idée très répandue selon laquelle la colère est une émotion négative, une énergie à fuir, à étouffer, à contenir. Une émotion sale qui n’a pas sa place dans la quête de la paix intérieure ou de l’amour véritable. Pourtant, si l’on s’y intéresse de plus près, on se rend vite compte qu’elle est bien plus qu’un simple rejet de ce qui est.
La colère est un indicateur précieux.
Elle est un miroir de ce qui ne va pas, une alarme qui signale les blessures, les injustices, les incompréhensions.
Dans le contexte d'une rupture, la colère est presque inévitable. Lorsque l’on se sent trahi, rejeté, ou quand un lien qui semblait solide se brise, cette émotion surgit. Elle est l’expression brute de ce qui a été malmené, de ce qui a été mis de côté, ignoré ou bafoué. Mais elle n’est pas, pour autant, une fin en soi. Elle est un symptôme. Un signal.
La colère, comme toute émotion, a sa place dans notre parcours. Elle ne doit pas être évitée ni refoulée, car en la refoulant, on se prive de l’opportunité de comprendre ce qui se cache derrière. Ai-je été blessée dans ma dignité, dans ma personne ? Est-ce une injustice qui m’a frappée, ou ai-je été abusée de quelque manière que ce soit ?
Derrière chaque colère, il y a une question qui attend une réponse.
Je comprends aujourd’hui que cette émotion n’est pas une ennemie. Elle est un phare dans la tempête, un indicateur de ce qui a dysfonctionné, et surtout, de ce que j’ai accepté sans oser le voir. Mais, comme tout feu, elle a besoin d’espace pour brûler, de temps pour se consumer. Quand elle est refoulée, elle se transforme, s’envenime, s’installe comme une rancune qui ne meurt jamais. Mais quand on lui permet d’exister, de s’exprimer, de se déployer de manière saine, elle finit par s’éteindre d’elle-même.
Cela dit, comme toute émotion, la colère a sa durée. Médicalement, on sait qu’elle ne doit pas s’étirer trop longtemps, car si elle persiste après un certain temps, elle n’est plus en lien direct avec la situation elle-même, mais avec des blessures non cicatrisées. Elle se nourrit alors de nos propres fêlures. Ce qui devait être un éclairage sur un événement spécifique devient un poids sur notre passé, une ombre sur notre présent.
Dans mon propre parcours, la vraie colère a mis du temps à émerger, (après la colère du début surtout liée à l'incompréhension, au manque et au rejet brutal), car elle était submergée par des sentiments de culpabilité, des croyances erronées sur ce que je devais faire ou ne pas faire. La culpabilité, en effet, est souvent un frein à l’expression de la colère, car elle nous convainc que nous ne devrions pas ressentir cette émotion, que nous devons pardonner, accepter et tourner la page. Cette culpabilité m’a maintenue dans un état de suspension, où je n’osais pas exprimer ma colère, de peur qu’elle ne me rende plus "mauvaise" ou moins "juste" dans ma perception de la situation.
Mais après huit mois... Huit mois suspendue dans un vide que j'espérais temporaire. Huit mois où je n’ai cessé de croire que tout cela n’était qu’une épreuve, une éclipse à traverser avant de retrouver la lumière, un chemin à parcourir, une souffrance qui finirait par se dissiper pour laisser place à l’apaisement.
J’ai vécu dans l’illusion, celle que l’absence n’était qu’un silence nécessaire, que l’amour n’était jamais vraiment perdu. J’étais suspendue à cette conviction viscérale, comme si, malgré tout, le lien entre nous n’était pas rompu.
Mais il y a un moment où la douleur devient trop forte pour être ignorée.
Où les non-dits, les absences et le rejet sont plus lourds que les espérances.
La colère est alors entrée dans ma vie, comme un souffle purificateur. Parce que la colère est une émotion mal comprise. Elle n’est ni un échec ni un poison. Elle est un cri de l’âme. Elle est la révolte face à l’injustice.
J’ai longtemps cru qu’il fallait se soumettre au silence, endurer sans jamais laisser échapper une goutte de cette colère. Qu’il fallait tout pardonner, tout comprendre, tout accepter. Parce que l’amour, c’est ça, non ? Être en paix avec l’autre, avec soi-même, ne jamais perdre le contrôle.
Mais la colère m’a montré un autre chemin. Elle m’a réveillée. Elle m’a dit qu’il était temps de cesser de porter le fardeau de la culpabilité seule, de cesser de croire que c’était à moi d’être l’adulte, d’être celle qui pardonne et qui oublie. Parce qu’au fond, c’était moi qui m’étais oubliée. C’était moi qui étais restée suspendue, figée dans une attente sans fin.
Et à chaque instant, je sentais un peu plus de moi s’éteindre, un peu plus de ma lumière se noyer dans l’ombre du silence et du rejet.
La colère m’a permis de revendiquer ce qui m’était dû : ma propre voix, mon propre espace. Elle m’a permis de voir que ce lien, ce qu’il m’a donné, n’avait pas besoin d’être figé dans une attente interminable, mais plutôt libéré, réorienté, transformé. La colère a été la clé qui m’a libérée de la peur, de la honte, de cette culpabilité de n’avoir pas fait ce qu'il fallait, de croire que j’aurais dû faire plus, faire mieux.
Aujourd’hui, je me rends compte que ce chemin n’est pas celui que j’imaginais. L’avenir nous dira peut-être si ce lien a une autre forme à prendre. Mais je sais une chose : je ne veux plus de l’illusion d’un amour mort, ni du poids d’un silence qui m’enferme dans l’attente.
La colère, loin de m’aveugler, m’a permis de retrouver le chemin de ma propre lumière.
Et peut-être que, dans cette colère, je trouve la liberté d’être moi, sans l’ombre d’un autre. Peut-être que c’est cette colère qui me guide vers une nouvelle version de l’amour, plus forte, plus vraie, plus libre. Une version où je ne serai plus suspendue, mais vivante, entière, prête à ouvrir mon cœur sans m’effacer dans l’illusion.
🔍 Ce que dit la psychologie sur la durée d’une colère
D’un point de vue médical et psychologique, la colère peut être vécue sur différentes durées, mais on considère généralement qu’elle est une émotion qui dure entre quelques minutes à quelques heures.
Si elle dure plus longtemps, elle devient une colère chronique et peut se transformer en ressentiment. À ce moment-là, elle cesse de concerner la situation immédiate et devient liée à des blessures anciennes, ce qui peut empêcher la personne de se libérer. Ainsi, si la colère persiste au-delà de quelques semaines, cela pourrait indiquer des problématiques plus profondes non résolues, elle parle finalement de nous et plus de la situation.
Une colère saine est celle qui s’exprime, qui se décharge sainement, et qui permet une guérison.
Une colère bloquée, par contre, est une émotion qui reste enfouie, qui se prolonge sans avoir trouvé d’issue et qui peut nuire à la personne et à ses relations.
Une fois ce processus d'expression effectué, la colère n’a plus de raison de rester.
Elle se dissipe, et il devient possible de se réconcilier avec soi-même, avec l'autre et de se tourner vers l’avenir.
La colère est donc un outil d’autoguérison. Elle ne doit pas être niée, mais intégrée. Elle permet de comprendre les injustices vécues, les blessures cachées, les besoins non satisfaits. Elle nous montre la voie vers une transformation intérieure, un processus de guérison où nous pouvons apprendre à nous affirmer, à poser nos limites et à libérer les chaînes de la culpabilité.
Ainsi, dans le processus de deuil d’une relation, la colère est essentielle. Elle est un signal, un indicateur de ce qui doit être transformé. Mais elle doit être comprise et intégrée dans le respect de soi, et surtout dans l’acceptation du fait qu’elle n’est qu’une étape vers la guérison. Elle n’est ni la fin, ni un obstacle, mais une lumière qui nous guide, à condition de ne pas la laisser prendre racine dans le passé, mais de lui offrir la possibilité de se libérer et de disparaître d’elle-même.
Et toi, quelle place donnes-tu à la colère dans ton histoire ?
As-tu déjà ressenti cette révolte intérieure, cette tension entre l’amour, la perte et l’injustice ?
Je serais touchée de lire ton expérience, tes doutes, ou tes questions. N’hésite pas à commenter ou à venir en parler avec moi ici … La parole, comme la colère, peut aussi libérer. 🌿
Selene
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