Trop. Pas assez. N'écris rien et dis-le-moi, même mal.
- Selene De Beaumont
- 8 mai
- 5 min de lecture
Trop. Pas assez. N'écris rien et dis-le-moi, même mal.
Je ne veux pas d’un amour parfait. Je veux un amour qui arrive essoufflé, trop tôt ou trop tard, qui trébuche sur les mots, mais qui reste. Un amour qui n’écrit pas, mais qui parle, comme il peut.
Celui qui comprend que mes "trop" cachent des blessures, et que mes "pas assez" sont des demandes d’amour en creux.
J’ai écrit ce texte pour toutes celles qui, comme moi, n’attendent plus qu’on les lise —
mais qu’on les choisisse.

TROP
Aujourd’hui, j’attends quelqu’un qui m’aime quand je suis TROP.
Trop impulsive.
Il saura que quelque chose m’a blessée et que parfois, je ne sais juste pas gérer le flot.
Trop méfiante.
Il saura qu’on m’a trahie et que j'ai peur de le perdre.
Trop collante.
Il saura que j’ai connu une absence que personne ne voudrait vivre.
Trop distante.
Il saura que je teste sa sincérité auprès de moi car j'ai été déçue.
Trop sensible.
Il saura que j’ai longtemps dû me taire et être forte.
Trop intense.
Il saura que je ressens plus que ce que je dis et que je m'implique corps et âme pour nous.
Trop émotive.
Il saura que j’ai aimé jusqu’à me perdre. Et qu'il reste des éclats de verre dans mes silences.
Trop exigeante.
Il saura que j’ai toujours donné sans compter. Et que je suis très exigeante avec moi-même.
Parce que s’il comprend mes excès et les apaise comme un baume — par un câlin, par une explication, par une patience que je n’aurais pas encore pour lui …
Alors, je saurai. Que je peux m’en remettre à sa vérité, sans la craindre.
Que je suis celle qu’il veut garder, pour toujours. Que je suis précieuse pour lui.
PAS ASSEZ
Demain, j’attends quelqu’un qui m’aime même quand je ne suis PAS ASSEZ.
Pas assez légère.
Il saura que parfois je porte le poids du monde, celui d'une mère qui assume tout, seule.
Pas assez joyeuse.
Il saura que certaines blessures prennent plus de temps à guérir.
Pas assez distante.
Il saura que mon attachement est une preuve de l'affection que je lui porte, pas une faiblesse.
Pas assez patiente.
Il saura que j'ai donné en vain déjà, et que je n'ai plus le temps pour des pseudos amours, que je recherche la profondeur en toute chose (le rire, les larmes, l'amour, la connaissance de soi).
Pas assez simple.
Il saura que mon cœur est vaste, complexe, mais sincère.
Pas assez guérie.
Il saura que l’amour, le vrai, est parfois ce qui soigne.
Pas assez parfaite ou comme il faudrait.
Il saura que l’essentiel, c’est que je sois vraie. Avec mon vécu et mon honnêteté impossible à négocier.
Parce que s’il m’aime même quand je ne suis pas assez, s’il ne cherche pas à me corriger, mais à m’écouter, à me tenir, à m’accueillir…
Alors, je saurai. Que je n’ai plus besoin de lutter pour mériter. Que je peux aimer sans avoir peur. Et que je suis, déjà, celle qu’il choisit.
N'écris RIEN et DIS-le moi même MAL
"Je ne veux plus qu’on m’écrive."
Je crois que je suis fatiguée des lettres.
Depuis un peu plus d’un an, on m’en a écrit plusieurs. Il y a eu cette lettre… 33 pages. Récente. Une lettre longue comme un pardon tardif (avec un jetlag de quelques années), remplie de citations, d’arguments logiques, d’efforts visibles pour me prouver qu’il était un homme nouveau. Trois ans après mes demandes, trois ans après mes dernières douleurs, il posait enfin les mots que j’aurais voulu entendre avant de m’effondrer.
Mais je l’ai lue sans émotion.
Aucune.
Je l’ai observée comme un objet étrange, comme un miroir posé dans un musée de cire.
J’y ai vu de la volonté, oui. Mais pas une once de ce qui aurait pu raviver un battement. Mais j'ai salué l'énergie déployée et une certaine forme d'autocomplaisance dans le geste (ça je ne l'ai pas dit). Parce qu’il m’a déjà laissée pour compte dans mes attentes, trop de fois. Parce qu’il a fait, au moins quatre fois, le choix de ne pas me choisir. Et qu’on ne réécrit pas l’amour à l’encre sèche.
Et puis il y a eu les autres lettres, celles de l'année dernière. Et celles-là… Celles-là, elles m’ont touchée. Elles m’ont fendue en deux. Parce qu’elles n’étaient pas parfaites, mais elles étaient habitées. Fougueuses. Vieilles comme un parchemin. Vraies, je croyais. Des mots d’un autre temps, des mots qui sentaient la poussière des bibliothèques et le feu du cœur. J’ai cru.
J’ai cru à cet homme sans âge, à cette sincérité nue, à cet amour qui ne meurt pas.
Mais les mots se sont effacés. Et un jour, il a dit l’inverse. Comme si ces lettres n’avaient jamais été. Comme si l’éternité pouvait se retourner. Et là, j’ai compris. Que même les plus belles lettres peuvent être inconsistantes. Que certains savent très bien écrire.
Mais pas rester.
Alors non, je ne veux plus qu’on m’écrive. Pas pour l'instant. Non.
Je veux qu’on me parle. Je veux qu’on me dise. Je veux qu’on bégaie. Qu’on se trompe. Qu’on me dise les choses à côté, mal, dans le désordre, mais en FACE. Je veux qu'on se répète, qu'on oublie ce qu'on avait prévu de dire et qu'on dise l'essentiel, la vérité. Même tordue, même mal amenée, même mal formulée. Parce que ce qui compte c'est l'effort, c'est la vérité et c'est l'engagement. Je ne veux plus de paillettes si elles ne collent pas à ma peau et si elles s'envolent à la moindre bourrasque.
Je veux qu’on me dise :"Tu veux venir mercredi ? Mon cousin est de passage, on pourrait se faire un petit repas à la maison. J'aimerais te le présenter."
Et je comprendrai que c’est immense.
Je veux qu’on me dise :"J’ai parlé de toi à Julie l'autre fois. Elle est contente pour nous."
Et je sentirai que ça pèse doux, dans sa voix.
Je veux qu’on me dise :"Et si on partait un week-end juste nous deux ? Je m’occupe de tout."
Et je saurai que l’envie est là, vivante.
Je veux qu’on me dise :"Tu peux laisser quelques affaires ici. J’espère que tu reviendras, souvent..."
En fixant toujours les prochaines fois comme des repères et des bonheurs à venir.
Je veux qu’on me dise : "Tu restes autant de temps que tu veux."
Et je saurai que ma présence est un cadeau, quelque chose que l'on attend.
Et un jour, peut-être, avec le temps, lorsque je me surprends à rêver, qu’on me dise :"J’aimerais bien vivre avec toi."
L’espace de deux jours, d’une semaine, ou d’une vie entière. Qu’on me fasse une petite place, pas dans une lettre, mais dans une réalité.
Je ne veux plus qu’on m’écrive. Je veux qu’on me montre. Qu’on me parle. Qu’on me tende la main, pas la plume.
Je veux qu’on me dise, sans envolées, sans éternités en italique, mais avec cette vérité du quotidien qui, elle, ne ment jamais.
Je ne veux plus être lue comme un roman.
Je veux être rejointe comme une évidence. Même bancale. Même mal formulée.
Mais réelle.
Selene
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