L'épopée médico-burlesque - et c'est pas fini...
- Selene De Beaumont
- 5 mai
- 5 min de lecture
L’Épopée Médico-Burlesque – et c’est pas fini...
J’étais venue pour une grosse douleur.
Je suis repartie avec un bilan complet : abdominal, émotionnel, sensoriel… et spirituel, presque.
Palpée, perfusée, explorée.
Touchée aux pieds par une mamie topless dans un état d’éveil parallèle et sondée par un monsieur très concentré. Bref, une traversée hospitalière comme on en fait peu. Et le pire… ou le meilleur ? C’est que c’est pas fini.
L’entrée dans la zone
Je suis arrivée aux urgences samedi matin, fatiguée, gonflée, crevée de douleur depuis plusieurs jours. Ils m’ont perfusée. Et là, j’ai plané. J’ai dormi, ou plutôt comaté, pendant des heures. Plus rien ne comptait, même pas les gémissements lointains de couloirs d’hôpital.
On me fait patienter, on me palpe, on m’appuie partout. Plusieurs personnes différentes. Bon… j’ai pas été touchée depuis neuf mois, alors même si c’était médical, j’ai pris. Enfin… c’est ce que je me suis dit.
Vers midi, on m’a ramené une colocataire de fortune : une vieille dame de 90 ans, bien décidée à rendre cette chambre inoubliable. À peine installée, elle a commencé à retirer sa blouse. Pas par nécessité médicale, non. Par choix. Tétés à l’air, regard vaguement absent, elle a déclaré :
— Il fait chaud ici, non ?
Et comme si ça ne suffisait pas, elle a décidé de me toucher les pieds. Oui, comme ça. En toute détente. Une petite caresse impromptue, style "je vérifie si t’es encore vivante".
Spoiler : j’étais vivante.
Et maintenant, en alerte.
Je venais pour une douleur à l’appendice, je suis repartie avec un massage plantaire non-consenti par mamie topless. Elle se promenait comme ça dans le couloir, blouse ouverte, seins au vent. À un moment, elle est venue jusqu’à ma tête et m’a demandé si elle devait retirer les patchs pour prendre le rythme cardiaque. J’ai dit non, évidemment. En essayant d'éviter son 85 A insolent et tête bêche.
Ensuite, elle a commencé à focaliser sur son drap, retourné son lit en m’expliquant qu’elle avait fait pipi, qu’elle avait saigné, et elle déposait toutes ses affaires de mon côté... Charmant. Surtout qu’elle avait eu plusieurs points à la tête et avait, bien sûr, retiré son pansement.
Soudain, elle crie : “Attention ! Attention !”
Moi, je sursaute. Elle me dit d’un air inquiet et un peu fiérot : “Il y a un jeune en face, je l’ai bien repéré… mais ah ! il pousse une dame !” J’ai dû lui expliquer que c’était un brancardier. Les jeunes, ça l’effrayait. Moi, c’est elle qui me faisait flipper. Elle a fini par venir s’asseoir sur le bord de mon lit. “Je préfère rester avec vous, je me sens seule.”
Intimité non désirée, épisode 3.
Le massage intime offert par la République
L’après-midi, l’équipe médicale m’annonce une échographie. Très bien. Je m’attendais à un petit tour de gel froid sur le ventre, version classique. Un petit reminder de ma grossesse. Mais non.
Le docteur — très pro, très calme, et d’une délicatesse absolue — me regarde et dit :
— On va commencer par une échographie naturelle…
Moi, naïvement, je pense prairie, tisane, gel bio.
Il précise : par voie vaginale.
Bon, huit mois sans contact, j’ai pas dit non. Et puis ma santé était en jeu. Il me regarde dans les yeux, très pro :
— C’est ok ?
Et moi, dans ma blouse, perfusée, fébrile, et légèrement en manque de contact humain, finalement reconnaissante :
— Oh oui… c’est ok.
J’ai failli lui demander s’il voulait qu’on déjeune ensemble. Mais il avait déjà sorti la sonde. De 25 cm je dirais à vue de nez — mais j’avoue que les médicaments et mes fantasmes ont tendance à fausser mes estimations. Professionnel. Efficace. Intime. Le tout en 12 minutes chrono.
J’ai failli lui demander son prénom. J’ai failli tomber amoureuse de la sonde. Franchement, j’ai connu des dates Tinder moins pénétrants. Et je ne vais pas mentir… Déjà que j’ai un petit faible pour les gants en latex — j’ai toujours eu un goût un peu trop affirmé pour les manipulations médicales bien exécutées —j’étais au bord du frisson. Il n'a pas eu besoin de me dire de me détendre...
Non, franchement… le CHU, ce n’est pas l’endroit où tu t’attends à vibrer. Mais je ne dis pas non à une deuxième séance. On n’est jamais trop prudent.
Et puis le tour en fauteuil roulant. Couloirs lugubres, portes automatiques, lumière froide… J’étais à la croisée entre Disneyland version hôpital et séance de massage intérieur-extérieur. Un spa de l’étrange.
Et moi ? J’ai adoré.
Mamie Topless, ou le syndrome de Stockholm en chambre double
Mamie n’a pas chômé pendant mon absence. Elle s’était redressée, re-dénudée, étouffait dans sa blouse, faisait pipi dans son lit… puis m’a demandé de la remettre dedans. Moi, perfusion à la main, perche au bras, j’ai servi d’aide-soignante sans contrat. Je l’ai portée. Rassurée. Couchée. Trois fois. Trois fois où je n’avais même pas le temps de retourner à mon lit qu’elle était déjà descendue du sien. Les infirmiers m’ont remerciée pour mon zèle. Je pense qu’ils envisageaient sérieusement de m’embaucher.
Et le bouquet final ? Juste avant mon départ, elle me regarde, nue, avec un naturel désarmant :
— Vous plierez vos draps avant de partir, hein ? C’est plus propre.
Plus propre. Elle, qui flottait dans l’urine depuis midi.
Et là, la révolte a grondé.
— J’ai déjà plié le vôtre, et vous l’avez redéplié. Je ne plierai pas les miens.
Je suis partie, fière. Tête haute. Perche dressée. Antalgiques dans le sang. Draps au vent.
Mission solo
Aujourd'hui, je vais au labo pour compléter le chef-d’œuvre. Je fais les analyses prévues pour le ventre et je me fais un petit bonus MST etc, conseillé par doctolib.
La secrétaire, très polie, me dit que si je veux on peut faire la totale. Je lui demande à peine de quoi il s’agit, tant je suis enthousiaste depuis samedi, et lui indique que je suis grave partante. Elle me tend un sachet et me chuchote :
— Il faudra faire gorge… vaginal… et anal.
Elle a dit “anal” comme si elle avait invoqué un démon. Moi, j’ai pris le sachet comme une mission sacrée. Trois cotons-tiges. Trois zones. Trois défis.
J’étais le personnel médical, la patiente et l’acrobate.
Dans les toilettes du laboratoire, face au miroir, je me suis regardée et j’ai murmuré :
— C’est maintenant que tu deviens une femme complète.
Une fin en seringue molle
Après tout ça — le ballet des blouses, la sonde intime, les pieds de mamie, les prélèvements dans les coins sombres de ma dignité… Je termine par une prise de sang. Classique. Banale. Bras tendu, coton, sparadrap. Limite j’étais déçue. Presque vexée. Moi qui venais de tout donner, de tout offrir, et on me pique comme si j’étais venue pour un contrôle de routine. J’aurais voulu qu’ils m’invitent à dîner, au moins.
Qu’on me dise : bravo pour l’ensemble de votre œuvre. Mais non. On m’a tendu un verre d’eau. Et je suis repartie, le sachet de prélèvements à la main, la tête pleine de souvenirs et l’intérieur… bien visité.
Et c’est pas fini. Demain j’ai encore une échographie (externe malheureusement) et un rendez-vous chez le généraliste alors…
Selene
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