Perdue
- Selene De Beaumont
- 25 avr.
- 2 min de lecture
Il y a des nuits où l’on ne tient plus dans sa propre peau.
Où l’on se découvre en mue, sans repère, sans armure.
Ce texte est né d’une de ces nuits d’insomnie.

Perdue
Ce sentiment,
d’être loin de tout.
Et surtout, du plus important.
Loin de moi.
Il y a toutes ces choses que j’aimais
qui n’ont plus aucun goût.
Et d’autres que j’ai vues un jour
à travers un regard qui n’est plus là.
Un filtre évanoui,
et avec lui,
la lumière sur certaines choses.
Aujourd’hui,
j’ai l’impression d’avoir de nouveaux yeux.
Mais je ne sais pas encore comment voir avec.
Je ne sais plus qui je suis.
Je me découvre autre.
Étrangère.
Et ça aussi,
ça me fait peur.
Être une page blanche.
Ne plus savoir quoi écrire dessus.
Avoir peur de sauter des pages,
de les froisser,
de faire des erreurs qu’on ne peut pas effacer.
C’est la première fois de ma vie
que je suis aussi perdue.
Et ce n’est pas une mince perte.
C’est une chute muette,
une absence de boussole
dans une forêt épaisse
et envahie.
Ronces partout.
Mousses épaisses, glissantes,
qui étouffent les chemins
et avalent les repères.
Il fait froid.
Pas un froid qui mord,
un froid qui pénètre.
Un froid d’intérieur,
de solitude enracinée.
Mes pieds nus glissent,
s’écorchent sur les souches
coupées nettes
par les tempêtes
de mes climats intérieurs.
Des arbres déracinés
que j’ai moi-même abattus
par instinct de survie,
ou par désespoir.
Chaque pas fait mal.
Mais je marche quand même.
Sans carte.
Sans lumière.
Juste ce corps qui avance,
tendu, tremblant,
à travers la densité
des choses non dites
et des lieux jamais foulés.
Une peur nue,
qui serre sans bruit,
alors que je mue
au cœur de cette nuit.
Je suis en modelage.
Parfois,
ce sont mes propres mains
qui me pressent.
Parfois,
je me heurte à la vie,
aux gens.
Et ma forme évolue.
Encore malléable,
je le sens.
J’ai parfois l’impression
d’être une chair sans ossature,
une matière souple,
articulée autrement.
Ce ne sont pas mes muscles
qui me portent,
mais une vibration intérieure,
invisible,
persistante.
Même au repos,
elle est là.
Comme un acouphène dans le corps.
Des fourmillements diffus.
Une fatigue ancienne.
Dense.
J’ai mille ans de vie
et de silence
sous les bottes.
Et elles sont lourdes.
Mais quand je vais sécher…
est-ce que je me reconnaîtrai ?
Est-ce que je me plairai ?
Est-ce que je saurai encore marcher
sans me briser ?
Je n’ai jamais eu peur avant.
Pas comme ça.
Et ce soir,
je suis morte de peur.
Et je ne veux aucun témoin.
Juste le silence.
Et, quelque part au fond de moi,
un battement.
Pas un espoir.
Juste une preuve.
Une trace qui dit :
je suis encore là.
Selene
Et toi, quand tu ne dors pas, que se passe-t-il en toi ? Où te conduisent ces nuits ?
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