Journal d'une semeuse de troubles #Épisode 4: La pelle, la chute et le frisson
- Selene De Beaumont
- il y a 4 jours
- 2 min de lecture
Journal d'une semeuse de troubles #Épisode 4 : La pelle, la chute et le frisson

Le soleil monte. L’air devient torride.
Le silence aussi — plus vraiment apaisant, plutôt chargé… presque érotique. Mais je m’égare.
Steven, stoïque, creuse.
Toujours ce foutu parterre.
Il s’y accroche comme à une bouée mentale. Une mission sacrée : désherber son âme.
Il arrache, jette, arrache encore.
Puis, fatalement… ses mains glissent.
La pelle lui échappe.
Et dans un élan héroïquement maladroit, il tente de la rattraper.
Résultat : bruit sourd.
Une chute digne d’un sketch Canal+ époque Nuls.
Je pouffe.
Je ne devrais pas. Mais je cours. Évidemment.
— Ça va ? dis-je, mi-gloussante, mi-prévenante.
Je m’accroupis. Beaucoup trop près.
Ma main touche son poignet, juste ce qu’il faut pour qu’il sente que je suis là.
Et que peut-être… c’est moi qu’il aurait dû enterrer dans ce jardin, pas ses désirs.
— Tu as bobo ?
Voix faussement douce. Regard beaucoup moins innocent.
Il secoue la tête.
Et les derniers restes de sa dignité avec.
— Je peux te faire un cataplasme, je propose, inspirée d’un vieux film et d’une envie spontanée de sorcellerie affective.
Je ne sais pas exactement ce que c’est, mais ça sonne prometteur.
Il bafouille.
Il dit que ça va.
Mais ses joues, elles, hurlent autre chose.
— Tu saignes pas… mais t’as perdu un peu l’équilibre , non ?
Je penche la tête, clin d’œil complice.
Il tente de se redresser. À quatre pattes pour commencer.
Les genoux plantés dans la terre, les mains pleines de poussière… et d’embarras.
Son ego a pris un congé sans solde.
Je ne suis pas sûre qu’on le reverra un jour...
Je reste accroupie.
À l’observer comme une plante fragile. Ou un spécimen rare. Définitivement, comme un spécimen rare.
— Je peux t’aider… ou juste rester là à profiter de la vue.
Il me regarde. Il comprend.
Et il sait que je sais ce que je fais.
Alors je me lève lentement, théâtralement,
Je tapote mes cuisses comme on secoue un rêve moite.
Et je lance, déjà en m’éloignant :
— Bon, si tu retrouves ta pelle et ta contenance, je suis là-bas… à cueillir des figues. Enfin, ça dépend de ce qu’on appelle cueillir.
Et je m’en vais.
Légère. Insolente. Triomphante.
Derrière moi, Steven reste figé.
Le regard perdu.
L’arrosoir dans la main.
… Et tente — sans s’en rendre compte — de creuser la terre avec.
Touché.
Coulé.
Selene
Comments