Scénarios Interdits #8 – Le colocataire non consenti ... au départ
- Selene De Beaumont
- 24 mai
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 juin
Scénarios Interdits #8 – Le colocataire non consenti ... au départ
J’avais besoin de couper.
Couper avec le quotidien, un peu plus terne de ces derniers temps, avec les “tu devrais”, les “il faudrait” et tous ces fils invisibles qui me retenaient sans vraiment m’enchaîner.
C’est Marion qui m’a tendu les clés.
— Mon appart’ Airbnb à Annecy est vide cette semaine. Tu vas y aller. Point.
J’ai souri. J’ai dit que je verrais.
Elle m’a répondu qu’elle avait déjà réservé les dates à mon nom.
— C’est calme, joli, ça sent la forêt et les bougies. T’as même la vue sur les toits. Va t’y perdre un peu. Ça va te faire du bien. Avec ce que tu vis ces temps-ci. Et puis tu m'as dit que tu rêvais d'aller voir ce lac.
C'était vrai mais mes rêves je les avais mis de côté depuis un bon moment ...
Alors un jour de la semaine, sans prévenir, j’y suis allée. Comme ça. Sans vraiment de plan.
Et puis ce petit appartement tout en bois et en lumière douce. Deux chambres. Une cuisine ouverte. Une sensation de paix immédiate.
J’ai commencé à défaire mes affaires en musique, c’est King de Florence + The Machine qui passait à ce moment-là. Et je fredonnais : « I am no mother, I am no bride, I am King »…Et là, la porte d’entrée a claqué.
— Marion ? Une voix grave, étonnée.
Je suis sortie de la chambre, un peu figée.Un homme était là. Grand, brun, la quarantaine tranquille, un sac à dos sur l’épaule.
— Ah, tu dois être Lisa. Moi c’est Nicolas. Marion m’a dit que tu venais quelques jours. Je suis là aussi.
Il a souri, naturel, trop à l’aise et a continué.
J’étais complètement scotchée.
— Elle a dit "vous pouvez partager". J’ai pas compris si c’était une coloc’ ou une sorte d’expérience sociale.
Il a ri. Moi pas vraiment. Il m’a tendu la main, chaude, grande.
— Je te laisse choisir la chambre que tu veux. Celle au fond est plus calme.
Et comme si de rien n’était, il s’est installé.
Je prétexte la fatigue. Il ne semble pas s’en offusquer.
— Ça marche. On se croisera demain alors. Bonne nuit.
Je ferme la porte de ma chambre et saisis mon téléphone :
Marion. Sérieusement. Un inconnu dans l’appart ? Tu aurais pu prévenir. Je suis pas venue ici pour faire du coworking ou faire du social. Merci pour l’info à moitié…PS : il est un peu trop à l’aise pour quelqu’un que je viens de rencontrer.
Pas de réponse. Je soupire. Je me glisse sous les draps. Je dors mal.
Mais au fond, je ne suis pas mécontente non plus…
Le matin.
Je me lève plus tôt que prévu. Besoin de me rafraîchir, de laver la nuit un peu trop pleine d’agitations. Je traverse le couloir pieds nus, une serviette sur l’épaule, pas franchement réveillée. La porte de la salle de bain est entrouverte. Aucun bruit d’eau.
J’entre. Et là, je me fige.
Nicolas est sous la douche italienne. Porte grande ouverte. Pas d’eau. Juste lui. Totalement nu. En train de se savonner le torse lentement, comme dans un film qui aurait perdu toute pudeur.
— Sérieusement ?! je lance, agacée. Il se retourne d’un quart, surpris mais pas paniqué.
— Bonjour à toi aussi.
Je reste là. Plantée. Dans l’encadrement. Bras croisés. Le regard un peu trop bas. Puis un peu trop fixe.
— Mais qui prend sa douche sans fermer la porte et sans faire couler l’eau, franchement ?
Il lève un sourcil, amusé.
— Et qui reste plantée dans une pièce avec quelqu’un de totalement nu, hein ?
Mes joues s’échauffent. Je veux répondre, mais rien de crédible ne me vient. Je hausse les épaules.
— Tu devrais mettre un panneau “exhibition en cours”.
— Tu devrais fermer les yeux… ou rester, au choix.
Je tourne les talons. Trop lentement pour que ce soit crédible. Et dans le miroir au fond du couloir, je me surprends à sourire.
Dans la cuisine, l’atmosphère a changé.
Je suis en tee-shirt large, mon cadeau d’anniversaire, 43+1 avec un doigt d’honneur, je l’adore, cheveux en vrac, encore un peu rougie de la scène dans la salle de bain. Lui est déjà là, une tasse de café à la main, vêtu cette fois. Jean. Pull fin écru, légèrement transparent. Mèche rebelle.
— T’as survécu ?
— À quoi ?
— À la vision d’un homme nu sans musique d’ambiance.
— Bof.
Je m’assois. Il sourit. Il est très beau.
Il m’indique la cafetière, le pain grillé. Tout est déjà prêt. On mange sans trop se parler au début. Puis il finit par dire :
— Je suis là pour... déconnecter.
Pause.
— J’me suis fait larguer y’a deux semaines. Elle est repartie avec son ex. Je crois. Enfin, un break. Je sais pas très bien ce que ça veut dire après 10 ans ensemble. J’ai pas d’enfants, rien à gérer. Juste… la tête à vider.
Il dit ça sans tragédie. Comme un fait.
— Et toi ? Je secoue la tête doucement.
— J’ai pas envie d’en parler. Juste besoin de calme. De silence. De pas être utile.
Il hoche la tête.
— Marché conclu. Zéro question. Zéro demande. On se croise si on veut. On s’ignore si besoin.
— Parfait.
Un silence s’installe, mais pas un de ceux qui gênent. Un de ceux qui reposent. Puis il ajoute :
— J’ai prévu une ou deux balades, quelques expos. Juste pour occuper l’espace.
— Moi je vais marcher, écrire peut-être. Voir le lac. Respirer.
Il ne demande rien de plus.
On se sépare pour la journée.
On part chacun de notre côté.
Lui avec son vieux sac à dos et ses AirPods, moi avec mon carnet et un manteau un peu trop léger.
Je suis allée au bord du lac. J’ai pris des photos, j’ai respiré fort. Je me suis sentie presque bien. L’odeur de l’eau, les cygnes, les gens qui couraient, les enfants qui criaient … J’ai souri, seule, et je me suis dit : c’est pour ça que je suis venue.
Quand je suis rentrée, il était déjà là, assis sur le tapis avec son ordi posé sur la table basse.— T’as fait quoi ?
— Le bord du lac. Une expo de dessins aussi.
Et toi ?
— J’ai marché. Pris un chocolat chaud à 10 balles. Croisé un mec qui m’a filé son Insta. Comme si j’allais en faire quelque chose.
Il m’a regardée, un peu trop longtemps. J’ai haussé un sourcil.
— J’espère que tu l’as remerciée comme il faut. Je t’ai attendue pour le dîner.
Je prends une douche. Cette fois, je ferme bien la porte. Il rentre vers 20h avec un filet de courses. Poivrons, crevettes, chorizo, crème. Et une bouteille de prosecco à bulles fines.
— J’espère que t’aimes les pâtes.
— Toujours.
— Et cuisiner à deux ?
— Tant que tu restes habillé.
Il éclate de rire.
On prépare. On se frôle. On plaisante sur qui coupe quoi, qui verse trop de crème, qui boit avant l’heure. La cuisine est en désordre. L’air sent l’ail et la musique italienne. On mange sur la table basse, à même les coussins.
À table, on a bu un peu trop. Juste assez pour ne plus penser à qui allait où. Et ce qu’on avait laissé derrière. On a ri. Beaucoup. Je lui ai dit que j’avais toujours trouvé sexy les mecs qui savent couper un oignon sans pleurer. Il m’a répondu que ce serait dommage de ne pas lui faire un diplôme pour ça. Il a parlé de son ex. Un peu.
— J’ai appris il y a 15 jours qu’elle avait revu son ex.
— Elle ?
— Ma compagne. Enfin… on ne sait plus trop. Elle m’a juré qu’il ne s’était rien passé.
Il fixe sa tasse de café.
— Le genre de "rien" qui t’empêche de dormir.
Je ne commente pas. Mais je sais. Je sais que je suis entrée dans une histoire qui n’est pas finie. Et que quelque chose en moi a quand même envie d’y être.
Je murmure :
— Moi j’ai pas envie d’en parler. J’ai juste besoin de me vider.
— On est deux, alors.
On se regarde. Et déjà, c’est trop.
On s’est affalés dans le canapé avec le plaid qu’il a replié sur mes genoux. On a mis un vieux film en noir et blanc. Un truc lent, doux, presque soporifique.
Je sens sa jambe contre la mienne. Mais il ne force pas. Il attend. Et moi… je ne m’éloigne pas.
À un moment, je me suis assoupie. Ma tête est tombée contre son épaule. Je ne l’ai pas relevée. Il n’a pas bougé. Ou si, un peu. Son bras s’est glissé derrière mon dos. Lentement.
Quand j’ai entrouvert les yeux, je l’ai senti contre moi. Pas pressant. Pas hésitant. Juste là. Et son pouce effleurait la peau de mon bras nu.
Je n’ai pas parlé. Je n’ai pas reculé non plus.
Et dans le silence du film, dans cette lumière de fin de soirée, quelque chose a basculé.
Je me suis laissée glisser un peu plus bas, ma tête sur sa cuisse, comme si c’était une évidence. Ce n’en était pas une. Mais je ne me suis pas relevée.
Sa main est venue se poser doucement dans mes cheveux. Pas un geste lourd. Pas un geste qui réclame. Un geste doux. Présent.
J’ai fermé les yeux. Mais je n’ai jamais été aussi éveillée.
Ses doigts se sont promenés dans mes cheveux, sont descendus jusqu’à ma nuque, puis ont remonté le long de mon crâne. Toujours lentement. Toujours en silence.
J’ai frotté mon visage contre sa cuisse, comme pour trouver une meilleure position, mais je savais ce que je faisais. Lui aussi.
Sa main est descendue un peu a frôlé le haut de mon dos. Puis mon bras. Et est revenue dans mes cheveux. Enfin, est restée là.
J’aurais pu me redresser. Dire "désolée", me reculer. Mais je n’ai pas bougé. Je me suis mise à respirer plus lentement, j’ai laissé faire et j’ai savouré ce moment volé à la confusion du monde.
Et dans la lumière du film qui dansait sur le mur, je me suis dit que je n’avais pas besoin de parler. Pas ce soir.
Alors, sa main s’est faite plus lente, plus ancrée. Elle a exploré le haut de mon dos, puis en redescendant, a glissé sous le tissu de mon tee-shirt. J’ai immédiatement frissonné.
Alors, doucement, il s’est penché. Ses lèvres ont frôlé mon front. Puis ma tempe. Puis juste sous mon oreille. J'ai senti son souffle comme une décharge à haute tension. Et là, j’ai tourné inévitablement mon visage vers le sien. Nos regards se sont croisés. Mes yeux étaient mi-clos. Les siens brûlaient.
J’ai tendu la main, et l’ai posée sur sa cuisse. Il l’a couverte de la sienne. On est resté là, une seconde suspendue. Puis il s’est penché encore, et a attrapé mes lèvres. Le baiser était lent, profond, sans hésitation.
Je me suis redressée à demi, je suis montée sur lui, à califourchon. Nos corps se sont cherchés comme s’ils se connaissaient déjà. Il a passé ses mains sous mon tee-shirt. Je l’ai retiré. Il a caressé ma poitrine avec une lenteur dévorante.
Il m’a regardé un instant.
Sans un mot.
Juste ce regard.
Celui qui dit : je te vois, vraiment.
Je l’ai laissé me porter.
On a basculé dans l’autre pièce, à tâtons, en riant à demi.
Il m’a allongée et s’est allongé sur moi.
Et là, plus rien ne nous a retenu.
Plus rien n’a freiné.
Ni la peur, ni le passé, ni le doute.
Juste nos souffles emmêlés, nos gestes précis, sûrs, ancrés dans le présent.
Son poids m’a rassurée. J’ai senti son souffle contre mon cou, puis ses lèvres et surtout, j’ai senti son sexe dur, ivre de désir, à travers le tissu de son jean.
Il s’est frotté doucement comme un chat contre des coussins. Il n’a pas accéléré. Il a tracé des cercles précis, lents, hypnotiques. Ses hanches ont roulé contre mon bassin, et ce frottement répété, régulier, maîtrisé, m’a fait totalement chavirer.
J’ai retenu mon souffle, j’ai fermé les yeux. J’ai senti la chaleur monter d’un coup. Et sans un mot, sans une caresse de plus, j’ai joui, là, rien qu’avec ce mouvement, ce contact, ce rythme.
Mon corps s’est tendu, s’est soulevé légèrement sous lui. Il l’a senti. Il s’est figé à peine, puis a relevé la tête avec un sourire en coin.
— T’as pas besoin de moi, en fait.
Je le pousse, un peu gênée.
— Si, mais pas comme tu crois.
Et là, j’ai pris le relais.
Je l’ai retourné brusquement, l’ai poussé sur le lit, et quelque chose a changé en moi. Quelque chose s’est réveillé.
Je me suis mise à califourchon sur lui, et j’ai commencé à le dénuder centimètre par centimètre, sans précipitation. Je l’ai respiré comme on respire un souvenir. Son cou. Ses clavicules. Son torse. Je me suis imprégnée. J’ai voulu le sentir, le garder en mémoire, sur ma peau. Sentir ses muscles, m'approprier son territoire.
Il a tenté de m’attraper, tant la tension grandissait en lui, mais j’ai saisi ses poignets, que j’ai plaqués contre le matelas.
— Laisse-moi faire. Je veux te découvrir.
Il a hoché la tête, soumis sans se sentir faible. Curieux. Troublé. Ravi.
Je me suis déshabillée aussi. Tout doucement.
Ma culotte a été la dernière chose à tomber. Nous nous sommes retrouvés nus, la pièce noire, mais je le distinguais, suffisamment pour voir ses yeux qui brillaient et son sexe qui palpitait.
Il a essayé de se redresser, mais je l’ai arrêté, je l’ai fait s’allonger complètement. Et je me suis allongée sur lui. Dans tous les sens. Mon ventre contre sa poitrine, ma bouche sur son épaule, mes seins contre son torse, mon sexe effleurant le sien sans encore le prendre. Et j'ai laissé mon corps imprimé son rythme sur le sien et dansé au son du désir qui grandissait en moi.
Je l’ai embrassé partout. Dans le creux de sa hanche, sur son ventre tendu, autour de sa taille, et jusqu’à son sexe, dur, impatient, tendu vers moi. C'est comme si, j'avais une soif impossible à négocier.
Je l’ai pris dans ma bouche, un instant, pour sentir son goût, sa chaleur, et sa vulnérabilité.
Puis je me suis redressée, l’ai regardé, et je l’ai chevauché lentement, avec autorité, avec faim, avec dévotion.
Il a semblé perdu. Et heureux. Totalement livré à moi.
Une femme qu’il ne connaissait pas. Mais qu’il n’oublierait pas.
Il a été à moi.
Juste pour cette nuit.
Juste pour ça.
Le matin.
Le réveil a sonné avant l’aube.
Le ciel est encore noir.
L’appartement est silencieux.
Il dort.
Je me lève sans bruit.
Mes vêtements sont là, en désordre sur la chaise.
Je les remets un à un, sans me retourner. Je n’allume aucune lumière.
Dans la salle de bain, je m’attache les cheveux. Je passe de l’eau sur mon visage. Je croise mon reflet dans le miroir — je me reconnais à peine. Je suis belle, je crois.
Mon sac est prêt depuis la veille. Je le prends. J’ouvre la porte doucement.
Avant de sortir, je regarde une dernière fois vers sa chambre.
Je sais qu’il dort encore. Ou qu’il fait semblant. Ou qu’il m’écoute partir.
Mais je ne laisse rien derrière moi.
Pas de mot.
Pas de geste.
Pas de numéro de téléphone.
Rien à interpréter.
Je referme doucement.
Et je pars.
Libre. Habitée. Satisfaite. Silencieuse.
Sans retour. Sans culpabilité.
Juste avec le goût de moi retrouvée.
Selene
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